13/01/2016

La guerre contre les huguenots - épisode 1

Premier épisode de la saga, ce texte extrait des mémoires de Richelieu, nous apprend quels sont les premiers différents qui opposèrent Louis XIII, fervent catholique, élevé sous le joug impitoyable de sa mère, Marie de Médicis et ce, malgré le religion huguenote de son père, Henry IV.

J'ai recopié fidèlement le passage concernant le début de la guerre contre les huguenots au cours de laquelle eut lieu de siège de Monheurt, et croyez-moi, c'est beaucoup de travail ;-)

Extrait de la page 116 à la page 128, du tome troisième, publié par le Comte Horric de Beaucaire sous la direction du Baron de Courcel en 1912.


Pour plus de clarté, j'ai noté au début quelques précisions au sujet des personnages principaux par ordre d'apparition dans le texte.

Richelieu = Armand Jean du Plessis 1585-1642
Sieur de Cadenet = frère du duc de Luynes
Prince de Galles = Charles Stuart, roi d'Angleterre en 1625 sous le nom de Charles 1er 
Sieur de Chambaud = seigneur de Privas, Vacherolles et Valaury, gentilhomme de la chambre du Roi, capitaine d'une compagnie de Chevau-légers, puis mestre de camp.
Vicomte de Cheylane = Marie ou Paule de Chambaud, vicomtesse de Privas, dame de Coulanges et de Vacherolles, étoit veuve de René de la Tour-Gouvernet, seigneur de la Charce, lorsqu'elle épousa le vicomte de Cheylane.
Duc de Ventadour = Anne de Lévis, duc de Ventadour
Brison = Joachim de Beauvoir du Roure de Beaumont, seigneur de Brison, connu sous le nom de "brave Brison"
Alexandre de Forest-Mirabel = seigneur de Blacons, qui succéda à son père dans le gouvernement d'Orange, sous le règne de Henry IV. Dépossédé de cette charge en 1605, il se mit, en 1621, à la tête des protestants du Vivarais; défait par les troupes royales, il fit sa soumission en 1622
Sieur de Réaux = lieutenant des gardes du corps
Capitaine Benzin = sieur de la Cadée, neveu du sieur de Salles, fut tué, ainsi que Maisonneuve, Lenillac et Casenave, en mai 1621, dans un guet-apens dressé par Miossens
L'abbé de Cagnote = l'abbé du monastère des bénédictins de Notre-Dame de Cagnote, près de Dax aujourd'hui canton de Pouillon était Jean Polle, qui était encore abbé en 1630)
Armand-Nompar de Caumont = marquis de la Force, fils ainé de Jacques-Nompar et de Charlotte de Gontaut-Biron, capitaine aux gardes de 1610, maréchal de camps en 1625, grand maître de la garde-robe jusqu'en 1637 et maréchal de France, après la mort de son père en 1652
....

Année 1621


Le premier jour de cette année, le sieur de Cadenet, s'en alla en ambassade extraordinaire en Angleterre, sous un simple prétexte de confirmer le roi de la Grande-Bretagne en la créance de la bonne et étroite intelligence que le Roi vouloit entretenir avec lui, mais en effet pour essayer, s'il y voyait jour, de porter l'esprit de ce prince à demande en mariage, pour le prince de Galles (Charles Stuart, roi d'Angleterre en 1625 sous le nom de Charles 1er), Madame Henriette, troisième sœur du Roi, et tout cela en intention d'empêcher le roi de s'intéresser dans les affaires de ceux de la Religion prétendue en France, que l'on voyoit bien qui prenoient le grand chemin de se rebeller contre le Roi et qui l'allaient contraindre ou de laisser entièrement mettre son autorité sous le pied, ou de la maintenir par la force des armes.

Le dessein de ce mariage fut vain : le roi de la Grande-Bretagne en étoit trop avant au traité avec le roi d'Espagne; son intérêt, à cause du prince palatin, son beau-fils, y étoit trop grand, e son inclination timide, qui ne tendoit qu'à la paix et qui craignoit la guerre que du côté d'Espagne, le portoit trop à faire choix de cette alliance plutôt que de la nôtre. Puis, Dieu, qui dans le ciel fait les mariages, avoit destiné autre temps et autres personnes pour moyenner celui-ci.
Le sieur de Cadenet fut reçu et traité magnifiquement et convenablement à la dignité du roi qui l'envoyoit et de celui vers lequel il étoit envoyé, et s'en revint ne rapportant au Roi que des paroles de compliment pour le fruit de son ambassade.

Nos huguenots, qui s'étoient émus, dès l'année passée, de ce que le Roi avoit rendu en Béarn justice à l'Eglise, poussèrent, dès le commencement de cette année, leurs mouvements bien plus avant. Ils tinrent une assemblée à La Rochelle, nonobstant les défenses du Roi, et furent assez effrontés pour couvrir du nom d'innocence et de justice leur manifeste de rébellion, se plaignant de ce que le Roi avoit fait exécuter en Béarn l'arrêt donné en son Conseil pour la mainlevée des biens ecclésiastiques sans leur avoir donné loisir de lui présenter encore une fois leurs remontrances sur ce sujet, comme si le délai de plus d'un an qu'il leur avoit donné n'eût pas été suffisant pour cela.
Le maréchal de Bouillon en écrivit de Sedan au Roi, dès le second jour de l'an, et lui manda qu'il étoit obligé, par la religion qu'il professoit, d'y envoyer quelqu'un de sa part, mais seulement pour se joindre à eux en leurs très humbles remontrances, ès quelles il supplioit S.M. avoir agréable de les entendre et ne souffrir que, par une trompeuse espérance de réunir tous ses sujets à une même foi, on engageât son autorité en de fâcheux mouvements; mais on ne crut pas que, comme il excitoit le Roi à prendre les voies de la douceur, il conseillât aux huguenots de prendre celle de la fidélité et de l'obéissance qu'ils devoient à S.M.

Le maréchal de Lesdiguières leur écrivit, le 1er février, une lettre par laquelle il les condamnoit et justifioit la procédure du Roi, jugeant frivoles tous leurs sujets de plaintes et le Roi véritablement offensé, en ce qu'ils tenoient cette assemblée sans sa permission.
Mais leur crime n'en diminua pas à la simple tenue de l'assemblée; car ils n'y proposoient que la rébellion et n'y résolvoient que crimes contre l'autorité royale. Ils donnent des commissions d'armer et de faire des impositions sur le peuple et ce sous le grand Sceau, qui étoit une religion appuyée sur une croix, ayant en la main un livre de l'Evangile, foulant aux pieds un vieux squelette qu'ils disoient être l'Eglise romaine.

Le Roi, averti de toutes ces choses, fit, en février, expédier ses lettres patentes par lesquelles il défend de faire lesdites levées sous peine de crime de lèse-majesté; mais en plusieurs lieux, ils ne laissent pas de se faire obéir et se saisissent même des deniers de S.M., et, au milieu de ces crimes, ne laissent pas d'avoir la hardiesse d'envoyer en cour et tâcher de faire voir au Roi, par leurs députés généraux, leurs remontrances replies de protestations de fidélité et d'obéissance.

En même temps, et par ordre de cette assemblée, ils se soulevèrent à Privas, prenant prétexte de ce que le sieur de Chambaud, leur seigneur qui étoit de le Religion prétendue, étant décédé, sa fille Marie, avoit épousé le Vicomte de Cheylane, catholique, fils du vicomte de Lestrange, et ensuite il avoit mis dans le château et dans la tour du Lac (localité à environ 3km de Privas) des capitaines et des soldats catholiques. Les huguenots de la ville prétendirent que la garde dudit château et de la ville leur appartenoit, d'autant qu'encore que ce ne fût pas une place de sûreté, ils s'en étoient néanmoins rendus maîtres durant les troubles précédents, s'y étoient maintenus avec leurs seigneurs, qui étoient de ladite Religion prétendue, et avoient toujours conservé ladite garde.
Ensuite de cette prétention, ils se saisirent de la tour du Lac, dès le 24 janvier, commencèrent à construire une citadelle et une place élevée pour battre le château et écrivirent des lettres à plusieurs gentils-hommes pour leur amener des gens de guerre.

Le Duc de Ventadour, lieutenant du Roi en Languedoc, essaya en vain de les mettre à la raison; ils méprisèrent ses remontrances, maltraitèrent ceux qu'il y envoya et contraignirent enfin le du de Montmorency de se disposer à les aller assiéger.

Le cercle du Bas-Languedoc donna ordre à M. de Châtillon d'armer aussi; ce qu'il fit en grande diligence. Le duc de Montmorency s'avançant néanmoins avec son armée vers ledit Privas, le maréchal de Lesdiguères, qui alloit en cour, le pria, sur la fin de février, de vouloir conférer avec lui et en ce pourparler obtint de lui qu'il ne pousseroit plus outre les affaires, sans en avoir un ordre particulier de S.M., de la part de laquelle le sieur de Réaux arriva le 6e mars, avec ordre de les faire tous désarmer (ce qu'ils firent plus en apparence qu'en vérité), fit sortir de Vallon (chef-lieu de canton du département de l'Ardèche) une garnison nouvelle que les huguenots y avoient mise et y mit un exempt et s'en retourna.
Mais à peine eut-il le dos tourné que les huguenots de Vals, place qui appartient au colonel d'Ornano, ayant été assignée pour le département du régiment de Mazargues, son frère, refusèrent de le recevoir.


Explications de l'auteur : "cette phrase peu claire a le sens suivant: à peine M. de Montmorency eut-il le dos tourné que les huguenots de Vals refusèrent de recevoir M. de Montmajour, frère du colonel d'Ornano, qui avait mission de faire entrer dans la ville le régiment de Mazargues, appartenant à M. de Mazargues, lui aussi frère du colonel d'Ornano. L'incident est raconté dans le Mercure François, t.VII, année 1621, p.197. Joseph-Charles d'Ornano, abbé de Montmajour-les-Arles avait quitté l'état ecclésiastique pour être maître de la garde-robe de Gaston d'Orléans."


Le duc de Montmorency y tourne tête, l'assiège et la prend. A cette nouvelle, le cercle envoie des gens de guerre à Vallon, qui en chassent l'exempt au préjudice de l'autorité du Roi et y établissent garnison.
Le duc de Montmorency le reprit; mais ceux de Privas, dont Brison étoit gouverneur, avec douze cents hommes de garnison, faisoient plusieurs courses et prises sur les sujets du Roi d'alentour, assistés et encouragés par l'assemblée qui se tint au même temps au Pouzin (petite localité de l'Ardèche, sur le Rhône, où se tint en 1921, une assemblée de huguenots sous la présidence de Alexandre de Forest-Mirabel, seigneur de Blacons, en laquelle ils nommèrent Blacons gouverneur du Vivarais et Brison son lieutenant.

En Béarn, ils ne faisoient pas mieux; mais ils trouvèrent M. de Poyanne en tête, qui empêcha l'effet de tous leurs desseins.
Le Roi n'en fut pas plus tôt parti qu'ils commencèrent à découvrir la désobéissance qu'ils couvoient en leur esprit. Ils refusèrent à Pau de délivrer les canons que le Roi avoit commandé qu'on menât à Navarrenx, et travaillèrent à de nouvelles fortifications en leur ville. Ils reçurent garnison en la ville d'Orthez, mais refusèrent de lui ouvrir le château.

L'entreprise de Navarrenx, qui leur réussit fort mal, comme nous l'avons dit, suivit incontinent après, et tout cela fut couronné par l'inexécution de l'arrêt du conseil du Roi sur le rétablissement des églises et par l'imposition et levée des deniers qu'ils firent sans la permission du Roi. Ils firent aussi une assemblée en la ville de Pau, en laquelle le capitaine Benzin, qui avoit fait l'entreprise sur Navarrenx, fut bien reçu, et particulièrement de M. de la Force, e reçut deux commissions secrètes de se jeter dedans les tours de Montgiscard près le pont de Bérenx (sur le gave de Pau, à quelques kilomètres d'Orthez), sur la fin de février.

Ces tours sont en une situation inaccessible, les murailles bien terrassées, et toute la place environnée de grands fossés, et étoit en un lieu important, comme étant située entre Navarrenx et Acqs (appelée aujourd'hui Dax), et en lieu qui enpêchoit à M. de Poyanne l'assistance qu'il pouvoit recevoir de son gouvernement des Lannes (aujourd'hui les Landes). Il n'y fut pas plus tôt qu'il commença bientôt à faire voir qu'il y étoit à dessein de commencer la noise, faisant arrêter, le 1er mars, l'abbé de Cagnote et un gendarme dudit sieur de Poyanne, le sieur Duluc, en passant sur le pont de Bérenx pour aller à Navarrenx.
Le sieur de Poyanne en avertit M. de la Force, et que l'autorité du Roi y étoit offensée. Ledit sieur lui répond force compliments et qu'il se remettoit à ce que ledit sieur de Poyanne en feroit, estimant qu'il n'auroit pas moyen de les dénicher de là. Ledit sieur de Poyanne ayant ouï cette réponse, assemble ce qu'il put de ses amis et de gens de guerre et les va, le 5e mars, investir après l'avoir premièrement fait semondre de sortir de la place. A quoi il fait réponse qu'il étoit de la part de l'assemblée de Pau et qu'il n'en sortiroit point que par son commandement.
L'assemblée ayant nouvelle que le sieur de Poyanne y alloit si vite et avec tant de courage qu'il forceroit bientôt la place, lui manda premièrement que cette entreprise pourroit altérer le service du Roi (ce fut le duc de la Force qui aurait fait dire au sieur de Poyanne "que s'il allait à Montgiscard, … il estimoit que ce seroit altérer les service du Roi dans le Béarn"), puis enfin fit donner arrêt au parlement de Pau, par lequel il étoit enjoint, sous peine de crime de lèse-majesté, à ceux qui étoient dans lesdites tour d'en sortir, et défendu au sieur de Poyanne de faire aucune assemblée de gens de guerre dans les Béarn, sans l'exprès commandement du lieutenant du Roi.

Celui qui étoit porteur de cet arrêt s'adressant audit sieur de Poyanne, lui dit qu'il parlât premièrement çà ceux qui étoient dans lesdites tours de Mongiscard et les fit obéir, puis qu'il parleroit à lui sinon qu'il les auroit bientôt rangés à la raison et fait quitter la place. Lors le sieur de la Force, voyant que toutes ses ruses lui étoient inutiles, assembla tous les gens de guerre qu'il put, et dans le Béarn et dans les provinces voisines, pour essayer de défendre lesdites tours. Il fit entrer quelque secours, mais ne put néanmoins faire lever le siège, ni empêcher que la place fût remise en l'obéissance du Roi et aussitôt démolie (la place fut prise le 11 mars); ce qui les étonna, pour ce qu'ils étoient bien avertis que le Roi savoit que c'étoit une chose faite par ordre de l'assemblée de la Rochelle et de la leur.
Aussi, incontinent après, S.M. envoya le sieur de la Saludie en Béarn vers le sieur de la Force, pour lui porter commandement de mettre les armes bas sans aucun délai, et, à faute de ce faire, délivrer à M. d'Epernon une commission dont il étoit porteur, pour lever des gens de guerre et le faire obéir par force et faire vivre en paix dans le Béarn ceux de l'une et l'autre religion (commission de 2000 fantassins et 500 chevaux).

Ledit sieur de la Force, ayant fait une réponse ambigüe à la Saludie pour gagner du temps, il délivre ladite commission au duc d'Epernon, qui, étant entré dans le Béarn le 21 avril, le sieur de Poyanne s'étant joint à lui avec ses troupes, chassa hors du pays ledit sieur de la Force et tous ceux qui l'assistoient.

Cet acte de rébellion dernière, ajoutée à tous les autres, obligea S.M. à lui ôter la charge de gouverneur de Béarn et la donner au sieur de Thémines et celle de capitaine des gardes du corps de S.M., que le marquis de la Force, son fils Armand-Nompar de Caumont, exerçoit en survivance, de laquelle le Roi honora le marquis de Mauny, non tant pour son courage, qui devoit être néanmoins la principale cause qui eut dû mouvoir le sieur de Luynes, que pour la mésintelligence qu'il avoit avec la Reine, tous les mécontents de laquelle étoient favorisés de lui. Un autre fils dudit sieur de la Force, nommé Montpouillan, qu'étoit très bien auprès du Roi, reçut commandement de S.M. de sortir de la cour.

Le conseil du Roi prit ce temps-là pour achever l'affaire de la réunion de la couronne de Navarre à celle de France, sur laquelle il y avoit eu, l'année précédents, un arrêt de partage à Saint-Palais, S.M. ordonnant, par son arrêt du 27e avril, à la chancellerie et cour souveraine de Saint-Palais de publier l'édit qu'elle leur en avoit envoyé l'année précédente, y surséant néanmoins ce qui concernoit l'union des officiers dudit Saint-Palais à ceux de Pau, jusqu'à ce que autrement il en fût par elle ordonnée.
Tandis que ces choses se faisoient, le Roi se préparoit, à bon escient, à la guerre; en laquelle les deux plus grandes et premières nécessités étant celle de l'argent et entretenir les armées, et celle d'un bon chef pour les commander, on pourvut à la première par des édits, qu'on présenta au Parlement; un des principaux desquels fut le rétablissement de la paulette, qui avoit été fait par une déclaration du Roi, du 22e février; mais, les conditions en ayant été trouvées trop rigoureuses et les officiers reculant ou feignant ne les vouloir accepter; on fut contraint de les adoucir par un arrêt du Conseil du 1er mars, le Roi se contentant d'une partie de l'argent qu'il avoit fait état de recevoir, plutôt que ou de n'en rien retirer du tout, ou de ne l'avoir à temps.

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Si vous êtes arrivés jusqu'ici, bravo :-)
Le suite dans un second volet, je continue ma lecture.





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